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La République est Laïque

Nous savons tous ce qu’est la laïcité, nous qui défendons l’idéal et les institutions laïques, expression des principes de raison, de liberté, d'égalité et de fraternité. La laïcité est en effet à la fois :
- un ensemble de valeurs éthiques qui affirme et revendique la liberté absolue de conscience des individus contre toute soumission à des dogmes de caractère confessionnel, communautaire ou doctrinaire.
- un statut institutionnel qui impose une rigoureuse séparation entre, d’une part les Églises et les communautés, et d’autre part l’Etat et les services publics, le domaine de la croyance et des choix philosophiques appartenant à la sphère privée.

2)- La République est Laïque

 

Cette caractéristique fondamentale est, et on ne peut que le regretter, une originalité typiquement française.
C’est une conquête de nos ancêtres qu’il convient de préserver jalousement et si possible d’étendre à travers le monde dans la mesure où, entre autres avantages, la laïcité est source de paix.

Or, il se trouve que chez nous cette richesse est en voie de dilapidation.
En proie à toutes sortes de forces contraires, elle a bien du mal à résister.

Examinons successivement:

- le risque de dilution dans l’Europe
- la dérive institutionnelle
- les lacunes et les manquements au principe.

1/ le risque de dilution dans l’Europe

Tout d'abord, entendons-nous bien ! Il ne s'agit pas ici d'exposer des arguments anti-européens, bien au contraire !

Nous savons tous que de tous les pays membres de l’Union européenne, seule la France est un pays réellement laïque.
On ajoute souvent, le Portugal, qui certes reconnaît bien la séparation de l’État et des Églises, mais on oublie de dire que le Portugal vit toujours sous la règle du concordat signé en 1940 par Salazar et qu’à ce titre il subsiste dans ce pays des privilèges au bénéfice de l’Eglise catholique en matière d’enseignement, d’assistance aux malades et même militaire.

Je rappellerai par ailleurs :
* que l’Espagne, l’Italie, la Belgique, le Luxembourg sont eux aussi placés sous le régime du concordat, de même que l’Autriche où la religion catholique dispose d’un rôle social et éducatif considérable.
* que le Danemark, le Royaume-Uni, la Grèce et la Finlande ont une religion d’État,
* qu’en Allemagne, la Constitution affirme que l’instruction religieuse est une matière d’enseignement dans les écoles publiques, que 8% de l’impôt sur le revenu est versé aux Églises et que le blasphème est sanctionné par la loi,
* qu’en Irlande la constitution est promulguée « au nom de la Sainte Trinité » ,
* qu’aux Pays-Bas l’État salarie les prêtres et les pasteurs et que le blasphème y est aussi un délit,
* que dans les pays scandinaves l’État civil est tenu par l’Église luthérienne.

Dans ces conditions ce n’est pas de l’Europe que l’on doit espérer une défense de la laïcité au moment où, comme nous allons le voir, elle se trouve menacée, aussi, en France.
Nous avons, au contraire, la lourde responsabilité de gagner progressivement les esprits de nos partenaires européens aux vertus de la laïcité.
La tâche est lourde mais pas désespérée.
Des évolutions positives s’opèrent ici et là dans le sens d’une laïcisation des esprits et même des modalités de la vie civique .
Espérons mais soyons vigilants. Les pressions anti-laïques ne manquent pas.
La Charte européenne des droits fondamentaux n’affirme pas clairement le principe de séparation des Églises et de l’État, ni le droit de n’être d’aucune religion.

2 / la dérive institutionnelle

Elle concerne surtout l’école . Savez-vous qui a écrit : “C’est dans le gouvernement républicain que l‘on a besoin de la toute puissance de l’école” ?
Ce n’est pas Jules Ferry, ni Condorcet, mais, bien avant eux, Montesquieu.

Soyons brefs sur ce sujet, qui mériterait un débat à lui seul - débat qu’hélas on n’organise guère aujourd’hui, par crainte peut-être de soulever des controverses trop sensibles.
Mais il faut bien évoquer les coups bas répétés, que l’école républicaine a dû subir depuis la dernière guerre.
Car c’est bien le régime de Vichy, dominé par la droite revancharde, qui a donné le signal. Et depuis lors se sont succédés, sous toutes les majorités, les lois et les accords anti-républicains, depuis la loi Barangé en 1951 jusqu’aux accords Lang-Cloupet en 1992.
On a beau jeu après cela de déplorer la faiblesse des moyens de l’école publique.

1994 a marqué un coup d’arrêt : une imposante manifestation, à laquelle nombre d’entre nous ont participé, a obligé le gouvernement à renoncer à l’abrogation de la loi Falloux.
Depuis lors la prudence est de mise en la matière, mais la vigilance s’impose d’autant plus que le danger vient de l’intérieur.

3/ les lacunes et les manquements au principe

• On peut légitimement se demander pourquoi aucun gouvernement n’a jamais osé remettre en cause une anomalie historique stupéfiante qui veut que dans notre république laïque trois départements soient restés sous le régime du Concordat signé par Bismarck !. (Sans compter la Guyane et les Territoires d’Outre mer)

• Le Président de la République a lui-même enfreint gravement au principe de la laïcité de l’État lorsqu’on l’a vu communier ostensiblement, dans l’exercice de ses fonctions, lors des obsèques de son prédécesseur ou encore lorsque, rendant visite au pape, il a déclaré que “la France était la fille aînée de l’Église”.

• Les tenants de la laïcité eux-même sont souvent contaminés par ce qu’on appelle la “modernité” au nom de laquelle on décline de nouveaux principes fallacieux. An nom de l’ “ouverture”, de la “liberté” (comme si la loi laïque n’était pas source de vraie liberté) on transgresse l’égalité républicaine pour promouvoir un prétendu “droit à la différence” qui donnerait sa justification à une “nouvelle laïcité” dite aussi “laïcité plurielle” ! Décidément le pluriel est à la mode !
Pierre-André Taguieff écrit dans son remarquable ouvrage “Résister au bougisme” : “ Quand les tenants de la bonne et unique pensée ont dit “pluriel“ ils ont tout dit. Cet adjectif, médiatiquement émergent, agrémente désormais le discours de ceux qui n’ont rien à dire” et aussi : “La pensée unique s’est métamorphosée en pensée plurielle unique”.

C'est la qualité indivisible de la citoyenneté, source de l’intégration des immigrés au cours de notre histoire, qui devrait faire s'effacer la revendication du droit à la différence, car cette "différence" apparaît, au contraire, comme l'un des fondements du communautarisme. (cf : L'indivisibilité de la République)

”Liberté, que de crimes on commet en ton nom” ...

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