Vous êtes dans : Accueil > La vie du Cercle : Colloques et Réflexions > Colloque : Le travail, à quel prix ? > Table ronde : l'économie sociale

Table ronde : l'économie sociale

Jean Auroux a retracé les grandes étapes de l’économie sociale depuis 1982 et les acquis sociaux qui en sont issus, liés à l’histoire de la gauche et des mouvements humanistes. Ces acquis se sont déclinés grâce à la volonté du gouvernement de l’époque sous la responsabilité de François Mitterrand : la cinquième semaine de congés payés ; la retraite à 60 ans ; les droits représentatifs ; les négociations collectives ; la création des CCHST…
Entre 1982 et 2006, sont crées des structures institutionnelles nationales et régionales, ainsi qu’un secrétariat à l’économie sociale. A ce jour reste une délégation interministérielle à l’innovation, l’expérimentation et l’économie sociale. Les deux tutelles, l’une du ministère de l’économie, l’autre du ministère du travail compliquent l’action et le problème de la légitimité reste entier.

Intervenant : Jean Auroux, ancien ministre du travail
Modérateur : René Olmetta

 

L’économie sociale reste encore méconnue des citoyens, non prise en compte par le gouvernement actuel qui lui refuse ainsi la possibilité de participer et de peser dans le débat collectif. Le politique ne perçoit pas l’économie sociale comme une alternative économique envisageable dans l’économie de marché

Puisqu’ aucune synergie n’existe entre ce secteur et l’Etat, la question de sa représentativité se pose auprès des pouvoirs publics.

De plus, le sujet est souvent marginalisé par les médias qui ne lui consacrent que des articles dans des revues spécialisées. Tout au plus sont connues les actions des associations mais elles ne font pas la une de la presse nationale.

Si le secteur économique dit « classique » ne reconnaît que difficilement le mot « social », il en va de même de l’université. Seules quelques universités d’économie commencent à introduire cette dimension dans leur programme.

Cet ensemble de faits concourre à donner de l’économie sociale une vision d’un domaine « en dehors de », alors que l’on connaît le potentiel d’activités, de services et d’emplois contenus dans ce secteur, donc le potentiel de « richesses ».

Le poids économique de ce secteur se traduit en quelques chiffres :

L’économie sociale en France n’est pas marginale. Elle représente 10 % du PIB ; 10 % des entreprises dans toutes les régions ; 2 millions de salariés ; 12% de l’emploi ; 60% des placements effectués en France sont collectés par des banques coopératives.

Des grandes mutuelles aux petites associations ce secteur est riche et couvre une diversité d’activités unie par des principes qui fondent son action.

L’économie sociale a sa propre éthique qui se traduit par les principes suivants :

Quels sont les freins rencontrés ?

Le premier est la résistance du monde de l’économie capitaliste qui ne voit pas d’un bon œil ce secteur et ne favorise en rien son événement. Par exemple, l’Europe ne reconnaît que très difficilement le concept de mutuelle et maintient leur fiscalité à l’identique de celle du secteur privé.

Le second frein est culturel vis-à-vis de la forme que prend l’activité. Peut on concevoir une création d’activités de type social, dans une économie de marché en respectant la citoyenneté et la démocratie ?

Si l’on se réfère à une définition de l’économie sociale on distingue qu’elle est conçue comme s’inscrivant pleinement dans l’économie de marché concurrentielle et qu’elle n’est pas une alternative à l’économie capitaliste. L’entreprise d’économie sociale n’est ni une entreprise capitaliste, par ses buts et ses règles internes; ni une entreprise publique puisqu’elle dépend du secteur privé. Elle partage pourtant des objectifs avec le secteur public notamment celui de l’utilité sociale.

L’économie sociale n’est pas l’économie « du social », c’est un autre mode de développement porteur d’innovation sociale.

D’autres freins existent et ont été mis en perspective par les participants, en particulier les freins financiers.

Doit on construire un système bancaire uniquement orienté pour ce secteur répondant au manque de moyens nécessaires à la consolidation du système ? Se pose ainsi la question de la part de la participation des banques de l’économie sociale en matière de retombées financières pour le secteur, et de la solidarité ?

Le secteur nécessite pour affronter les contraintes de l’économie de marché, une professionnalisation des acteurs de l’économie sociale. Le problème de la compétence des dirigeants, la dilution des responsabilités amènent des entreprises phares à déposer le bilan.
Aujourd’hui, l’économie sociale a toute sa place comme système économique majeur et ne doit pas être à la solde de l’Etat libéral. Elle doit se donner les moyens de sa spécificité sans s’aligner sur le système libéral. Pour cela, elle doit être prise en compte par le politique ; être attractive auprès des jeunes sur des secteurs qui sont les leurs (nouvelles technologies, environnement…) ; inscrire son développement dans un cadre propre, celui de « l’économie sociale » aussi légitime que le secteur privé ou public ; trouver d’autre forme d’entreprise ; mettre l’accent sur la formation et trouver des réponses institutionnelles.simples dans le cadre législatif.

L’économie sociale est utile à la croissance intelligente et partagée.

Catherine Picard

Recommander cette page Haut de page
eZ publish © Inovagora
Buste de Marianne